Extrait 1 :
La représentation d'un principe objectif, en tant que ce principe est contraignant pour une volonté, s'appelle un commandement (de la raison), et la formule du commandement s'appelle IMPÉRATIF.
Tous les impératifs sont exprimés par le verbe devoir (sollen), et ils indiquent par là le rapport d'une loi objective de la raison à une volonté qui, selon sa constitution subjective, n'est pas nécessairement déterminée par cette loi (une contrainte). Ils disent qu'il serait bon de faire telle chose ou de s'en abstenir ; mais ils le disent à une volonté qui ne fait pas toujours une chose parce qu'il lui est représenté qu'elle est bonne à faire. Or cela est pratiquement bon, qui détermine la volonté au moyen des représentations de la raison, par conséquent non pas en vertu de causes subjectives, mais objectivement, c'est-à-dire en vertu de principes qui sont valables pour tout être raisonnable en tant que tel. Ce bien pratique est distinct de l'agréable, c'est-à-dire de ce qui a de l'influence sur la volonté uniquement au moyen de la sensation en vertu de causes purement subjectives, valables seulement pour la sensibilité de tel ou tel, et non comme principe de la raison, valable pour tout le monde.
Emmanuel KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs, tr. Delbos, Delagrave, Paris, 1989, p. 123.
Questions :
1. Qu'est-ce qu'un impératif ?
2. Qu'indique l'usage du verbe "devoir", utilisé dans la formulation de tous les impératifs ?
3. Le "rapport d'une loi objective de la raison à une volonté" peut-il varier ? En fonction de quel facteur ?
4. Comment expliquer qu'une volonté "ne fait pas toujours une chose parce qu'il lui est représenté qu'elle est bonne à faire" ?
5. Pourquoi "ce qui détermine la volonté au moyen des représentations de la raison" est-il nécessairement bon ? Pour répondre, utilisez vos analyses antérieures de la bonne volonté.
6. Comment les déterminations objectives et les déterminations subjectives de la volonté sont-elles ici définies ?
7. Qu'est-ce qui distingue par conséquent le "bien pratique" de "l'agréable" ? Qu'est-ce que l'agréable ?
Extrait 2 :
[...] tous les impératifs commandent ou hypothétiquement, ou catégoriquement. Les impératifs hypothétiques représentent la nécessité pratique d'une action possible, considérée comme moyen d'arriver à quelque autre chose que l'on veut (ou du moins qu'il est possible qu'on veuille). L'impératif catégorique serait celui qui représenterait une action comme nécessaire pour elle-même, et sans rapport à un autre but, comme nécessaire objectivement.
Puisque toute loi pratique représente une action possible comme bonne, et par conséquent comme nécessaire pour un sujet capable d'être déterminé pratiquement par la raison, tous les impératifs sont des formules par lesquelles est déterminée l'action qui, selon le principe d'une volonté bonne en quelque façon, est nécessaire. Or si l'action n'est bonne que comme moyen pour quelque autre chose, l'impératif est hypothétique ; si elle est représentée comme bonne en soi, par suite comme étant nécessairement dans une volonté qui est en soi conforme à la raison le principe qui la détermine, alors l'impératif est catégorique.
L'impératif énonce donc quelle est l'action qui, possible par moi, serait bonne, et il représente la règle pratique en rapport avec une volonté qui n'accomplit pas sur-le-champ une action parce qu'elle est bonne, soit que le sujet ne sache pas toujours qu'elle est bonne, soit que, le sachant, il adopte néanmoins des maximes contraires au principes objectifs d'une raison pratique.
L'impératif hypothétique exprime donc seulement que l'action est bonne en vue de quelque fin, possible ou réelle. Dans le premier cas, il est un principe PROBLÉMATIQUEMENT pratique ; dans le second, un principe ASSERTORIQUEMENT pratique. L'impératif catégorique qui déclare l'action objectivement nécessaire en elle-même, sans rapport à un but quelconque, c'est-à-dire sans quelque autre fin, a la valeur d'une principe APODICTIQUEMENT pratique.
Ibidem, p. 124.
Questions :
1. Quelle est, d'après le texte, la fonction d'un impératif hypothétique ?
2. Quelle est, dans un impératif hypothétique, la valeur de l'action envisagée ?
3. En quoi, dans un impératif hypothétique, le rapport du moyen à la fin est-il nécessaire ?
4. Quelle est, d'après le texte, la fonction d'un impératif catégorique ?
5. En quoi le rapport de nécessité, dans l'impératif catégorique, est-il différent du rapport mobilisé dans le cas d'un impératif hypothétique ?
6. En quel sens tous les impératifs, qu'ils soient catégoriques ou hypothétiques, trouvent-ils leur fondement dans "le principe d'une volonté bonne en quelque façon" ?
7. Que représente par conséquent un impératif, au point de vue pratique ?
8. Pourquoi, dans l'action pratique, la volonté n'accomplit-elle pas l'action sur-le-champ ? Précisez et expliquez les différentes raisons données dans le texte.
9. Quel rapport pratique l'impératif hypothétique exprime-t-il ? Cherchez les définitions des mots problématique et assertorique et montrez en quel sens les principes ainsi qualifiés se rapportent, l'un à ce qui est possible, l'autre à ce qui est réel.
10. Cherchez la signification du mot apodictique : en quel sens ce terme qualifie-t-il l'objectivité et la nécessité de l'impératif catégorique ?
Réflexion :
Agir moralement, est-ce seulement trouver les moyens efficaces pour réaliser les fins que nous poursuivons ?
Pour répondre à cette question, cherchez des exemples d'actions que nous réalisons en vue d'une fin distincte d'elles, ainsi que des exemples d'actions que nous n'accomplirions que pour elles-mêmes, et analysez-les.
Justifiez votre réponse en vous appuyant sur vos analyses des textes ci-dessus.
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